Véronique Lamare transpose l'invisible

"Cette part de beauté qui nous échappe" est un projet qui fut mené en collaboration avec des chercheurs de l’I2M Trèfle de Bordeaux.

Cette part de beauté qui nous échappe © Anne Lassegues Cette part de beauté qui nous échappe © Anne Lassegues

Véronique Lamare, artiste plasticienne

Pourquoi rencontrer des chercheurs ? Que cherchiez vous ?

En fait j’avais déjà travaillé avec une chercheuse, Cindy Hany, au LOF Laboratoire du Futur. C’était la première fois que je travaillais sur un projet arts & sciences avec une caméra thermique. Il s’agissait d’une commande qui a donné lieu à une vidéo-performance pour le Chimie Show 2011 dans le cadre de l’année internationale de la chimie.

Je me suis emparée de ce nouvel outil pour re-visiter ma pratique artistique autour de la performance physique et du corps en mouvement.
Mais ce n’était qu’une courte série d’expérimentations, des petits bouts d’essais, sans vraiment de finalité ; plutôt un temps qui m’a permis de me familiariser avec ces différentes outils techniques.

Grâce à l’appel à projet arts & sciences FACTS j’ai pu approfondir l’utilisation de la caméra thermique. Cette résidence permet davantage d’échanges avec les chercheurs, un cadre et un accompagnement financier qui permettent d’aller plus loin dans la démarche de création et de recherche artistique. En plus de la vidéo j’ai pu créer des images et des objets 3D et les chercheurs ont pu se baser sur mon travail pour réaliser des calculs scientifiques auxquels ils n’auraient pas pensé.

Comment se passe le travail autour de l’image et de la vidéo ? Comment solliciter les chercheurs ?

Très concrètement, je fais une série de captations vidéo, nous les visionnons ensuite avec l’équipe de chercheurs qui procède alors à une sélection d’images afin de déterminer quelles séquences seront les plus pertinentes pour recueillir des données et permettre l’application de calculs. Mais les images qui les intéressent ne sont pas forcément les mêmes que celles qui m’intéressent. Je recherche une certaine qualité d’image, énigmatique, esthétique. Je suis sur de l’instantané, du visuel,  alors qu’eux cherchent à recueillir des données, analysables.

Suivant une échelle de températures je vais chercher à faire apparaître ou disparaître des éléments alors que les chercheurs eux voudront étudier une fluctuation ou un point précis par rapport à une température donnée ou une couleur. Ils se focalisent sur un point fixe pour que le calcul se fasse alors qu’à l’inverse je suis sur des images très mouvantes. Nous nous adaptons aux contraintes de chacun.

Cherches-tu vraiment quelque chose, ou expérimentes-tu ?

Je cherche mais je ne peux pas dire précisément quoi dans le sens où cela ne se traduit pas dans une forme verbale. Il n’y a pas, contrairement aux scientifiques, un moment où  je me dis que j’ai peut-être trouvé quelques chose. Le questionnement est permanent ça ne s’arrête jamais. Je pense que ce que l’on peut appeler une « recherche » est dans la forme même que je vais donner à des questionnements ou à une façon de regarder, qui n’appellent d’ailleurs pas nécessairement de réponses. Disons que ce n’est pas la réponse qui m’intéresse, mais les formes visuelles, plastiques, possibles pour formuler certains questionnements et qui vont ouvrir à différents niveaux de lecture, établir de nouvelles connexions, plutôt que d’aller dans la précision, le détail, la spécialisation, qui vont avoir tendance à refermer le champ de vision et d’interprétation.

As-tu découvert des choses sur ton travail avec la caméra thermique ?

Oui je suis obligée d’être plus précise car il y a beaucoup de part technique et de réglages.
Je dois rendre compte de mon travail, fournir des informations auxquelles je n’aurais jamais pensé pour que les calculs soient exploitables (les conditions dans laquelle j’ai réalisé ma performance, comment je m’y suis préparée … ) et c’est peut-être en ce sens que l’on peut dire que ma démarche se rapproche d’une démarche scientifique…

Mise à jour le 25/04/2017