Rustha Luna et la photoluminescence

"Beat Glow" est une oeuvre issue de la collaboration en résidence de l'artiste Rustha Luna et de trois équipes de l'Institut de Sciences Moléculaires de l'Université de Bordeaux. L'artiste a présenté son travail à Cap Sciences durant FACTS.

Beat Glow © Rustha Luna Pozzi-Escot Beat Glow © Rustha Luna Pozzi-Escot

Rustha-Luna Pozzi-Escot, artiste plasticienne

Quel est l’intérêt de travailler dans un laboratoire avec des chercheurs ?

Je suis sculptrice et je travaille notamment sur la résine. La résine est constituée de composants, on est déjà dans la chimie, il y a des croisements évidents. Finalement c’est un peu comme la cuisine, le sculpteur et le chimiste travaillent des mélanges, des proportions, font des réactions.

J’effectue des recherches sur la résine luminescente depuis 2011, c’était l’occasion pour moi de pousser mes expérimentations dans ce domaine. Cela paraissait Intéressant de croiser les compétences entre l’art et la chimie.

Répondre à cet appel à projet de résidence FACTS c’était aussi rencontrer des chercheurs, découvrir des affinités. La réussite de ce projet dépend aussi beaucoup de la question humaine.

Une équipe de chercheurs de l’ISM a réagi à mon projet de poudres luminescentes. Les chercheurs ne connaissaient pas ces poudres, ils travaillent essentiellement dans le domaine du laser. Néanmoins ils sont spécialisés dans l’étude de molécules qui activent des processus et des réactions chimiques sous l’excitation de la lumière dans le domaine du secteur médical.

Ce qui me plait c’est de croiser nos savoirs faire et nos univers.

Pouvez-vous nous expliquer ce principe des poudres luminescentes ?

Les pigments avec lesquels je travaille se trouvent dans le commerce. Ils viennent de Chine (ex des étoiles lumineuses que l’on colle dans les chambres des enfants). Mais je ne voulais pas dépendre de ce produit dont on ne connaît pas bien la composition et qui peut être néfaste…

Avec les chercheurs nous avons réfléchi et avons décidé de créer nos propres poudres « écolos ». Ainsi nous sommes autonomes dans le processus de création. Nous avons expérimenté de nombreuses pistes pour obtenir une couleur précise de départ et d’arrivée. Les  composants se mélangent, durcissent, produisent de la lumière grâce à l’activation des molécules. Les fibres optiques sont utilisées pour animer cette résine et créer la lumière.

Il ne suffisait pas que je propose mes idées il fallait également que les chercheurs m’aident à les concrétiser et réfléchissent à des axes de recherche. Nous avons trouvé le colorant adapté mais maintenant il faut trouver avec quel solvant il pourra contribuer à créer l’effet esthétique désiré au final. La fibre optique est primordiale pour accentuer l’effet de luminescence.

Pourquoi beat glow ?

L’idée globale de : beat glow c’est littéralement battements/luminescent.

C’est une œuvre qui va réagir à la lumière. Spontanément je dirais que c’est une pièce inédite, belle, pleine de rêve, de savoir faire et de techniques. Il n’y a pas de moulage industriel je la modèle moi même.

Plus précisément, Beat Glow est issu des recherches sur la luminescence menées par les laboratoires de l’ISM de l’Université de Bordeaux d’une part et de ma démarche artistique développée depuis plusieurs années. A la croisée de la sculpture traditionnelle et de recherches scientifiques, il est le fruit de techniques aussi différentes que le travail du verre, ou le moulage de résine translucide éclairée grâce à l’incorporation de molécules fluorescentes. Alimenté par fibres optiques, Beat Glow émet une luminescence rythmée par des battements, symboles de la relation entre la science et l’être humain. 

Avez-vous découvert des aspects nouveaux sur votre travail ?

Oui je ne pensais pas que l’on développerait autant d’autonomie dans la recherche des composants utilisés et que nous allions élaborer nos propres composants. Nous sommes même partis sur la piste de la chimieluminescence liquide ! Pour l’instant ce sont des hypothèses mais c’est assez prometteur pour la continuité du projet arts & sciences.

Au cours du projet un nouveau collaborateur est apparu, le verrier de l’ISM. Il va élaborer un élément très important pour l’œuvre ... Cela n’était pas prévu au départ et c’est une belle surprise.

Comment qualifieriez-vous les relations entre artiste et chercheur ?

J’aime à dire que l’artiste et le chercheur sont de « faux jumeaux ». On se comprend mais pas avec le même langage !  Cela me plait de diriger la partie artistique, j’ai une idée très précise de ce que je veux et les chercheurs réagissent à mes requêtes. Ils répondent à une « commande » mais dans une totale liberté au niveau des recherches, ils peuvent « expérimenter sans contraintes » contrairement à des projets ANR très délimités par exemple… Ils échangent aussi beaucoup avec moi pour me proposer d’autres pistes ou solutions si nécessaires. C’est une construction collective.

Avez-vous des idées pour la suite ?

J’aimerais aller plus loin dans ce projet. Que la sculpture soit réceptive aux battements et aux sons. Élargir mes recherches au delà de la lumière vers d’autres sens avec des techniques plus poussées !

Mise à jour le 14/04/2017